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DEPUIS L’EXIL. — BRUXELLES.

rosité dont le gouvernement a usé à l’égard des émigrés du 4 septembre.

m. defuissaux. — Je n’ai rien dit de semblable. J’ai dit que cette générosité m’avait fait espérer que la loi de 1835 était abrogée de fait.

m. cornesse, ministre de la justice. — Je laisse de côté cette question. Je m’en tiens au fait qui a motivé l’interpellation.

Non, ce ne sont pas des hommes politiques, ces pillards, ces assassins, ces incendiaires dont les crimes épouvantent l’Europe. Je ne parle pas seulement des instruments, des auteurs matériels de ces forfaits. Il est de plus grands coupables, ce sont ceux qui encouragent, qui tolèrent, qui ordonnent ces faits ; ce sont ces malfaiteurs intellectuels qui propagent dans les esprits des théories funestes et excitent à la lutte entre le capital et le travail. Voilà les grands, les seuls coupables. Ces théories malsaines ont heurté le sentiment public dans toute la Belgique.

La lettre de M. Victor Hugo contenait de violentes attaques contre un gouvernement étranger avec lequel nous entretenons les meilleures relations. Ce gouvernement était accusé de tous les crimes. Nous n’avons pas reçu de sollicitations. Nous avons des devoirs à remplir. Notre initiative n’a pas besoin d’être provoquée.

M. Victor Hugo allait plus loin. La lettre contenait un défi au gouvernement, aux Chambres, à la souveraineté nationale de la Belgique. M. Hugo, étranger sur notre sol, se posait fièrement en face du gouvernement et de la représentation nationale, et leur disait : « Vous prétendez que vous ferez telle chose. Eh bien, vous ne le ferez pas. Je vous en défie. Moi, Victor Hugo, j’y ferai obstacle. Vous avez la loi pour vous. J’ai le droit pour moi. Pro jure contra legem. C’est ma maxime ! »

N’est-il pas vrai qu’en prenant cette attitude, M. Victor Hugo, qui est un exilé volontaire, abusait de l’hospitalité ?

Oui, M. Victor Hugo est une grande illustration littéraire ; c’est peut-être le plus grand poëte du dix-neuvième siècle. Mais plus on est élevé, plus la providence vous a accordé de grandes facultés, plus vous devez donner l’exemple du respect des convenances, des lois, de l’autorité d’un pays qui n’a jamais marchandé la protection aux étrangers.

Oui, la Belgique est une terre hospitalière, mais il faut que les étrangers qu’elle accueille sachent respecter les devoirs qui leur incombent vis-à-vis d’elle et de son gouvernement.

Le gouvernement, fort de son droit, soucieux de sa dignité, ayant