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L’INCIDENT BELGE.

commencez par éloigner les témoins ; vous écartez ceux dont les dépositions doivent contrôler les recherches de vos agents.

Ah ! vous avez fait appeler M. Victor Hugo à la sûreté publique pour l’engager à quitter le pays. Ne deviez-vous pas, au contraire, l’obliger à rester ? Son témoignage, le témoignage des gens de sa maison, ne sont-ils pas indispensables au procès que vous voulez intenter ? (Interruption.)

Voilà ce qu’exigeait la justice ; voilà ce qu’exigeait la réparation des troubles déplorables qui ont eu lieu.

Savez-vous, messieurs, ce que peut être la conséquence de l’expulsion, dans les conditions où elle se fait ? Si, par hasard, la rumeur publique dit vrai, si les hommes qu’elle désigne appartiennent à votre monde, à votre parti, s’ils appartiennent à la jeunesse dorée qui hante vos salons, savez-vous ce qu’on dira ? On dira que les coupables vous touchaient de trop près ; que vous ne les découvrirez pas parce que vous ne voulez pas les découvrir ; que vous avez un intérêt politique à masquer leur faute, à empêcher leurs noms d’être connus, leurs personnes d’être frappées par la justice.

Aujourd’hui vous avez mis tous les torts de votre côté. L’accusé d’hier sera la victime demain. Les rapports non contrôlés de la sûreté publique et des agents de police auront beau dire le contraire ; pour le public du dehors, la version véritable, authentique, celle qui fera foi devant l’histoire, sera la version du poëte que vous avez expulsé le lendemain du jour où il a pu croire sa vie menacée.

Voilà pourquoi je regrette la mesure qui a été prise ; voilà pourquoi je déclare que vous avez manqué d’intelligence et de tact politique.

m, jottrand. — Messieurs, excité par l’injustice incontestable de quelques-unes des interruptions parties des bancs de la droite, j’ai prononcé ces paroles : « Brigands contre brigands ! » Vous avez, à ce propos, monsieur le président, prononcé quelques mots que je n’ai pas compris. Je dois m’expliquer sur le sens de mon exclamation.

m. le président. — Permettez. Avant que vous vous expliquiez, je tiens à dire ceci : les paroles que vous reconnaissez avoir prononcées, je ne les avais pas entendues. Aux demandes de rappel à l’ordre, j’ai répondu que je ne pouvais le prononcer sans connaître les expressions dont vous vous étiez servi…

D’après la déclaration que vous venez de faire, vous auriez appelé brigands les représentants de la force légitime.