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NOTES.

indignation calme, si ces deux mots peuvent s’allier. Le Moniteur vous portera ses paroles exactes ; je les résume tant bien que mal :

— La France, a-t-il dit, vient de passer par des phases terribles, dont elle est sortie sanglante et vaincue ; elle n’a rencontré que la lâcheté de l’Europe. La France a toujours pris en main la cause de l’Europe, et pas un roi ne s’est levé pour elle, pas une puissance. Un homme seul est intervenu, qui est une puissance aussi. Son épée, qui avait déjà délivré un peuple, voulait en sauver un autre. Il est venu, il a combattu…

— Non ! non ! crie la droite furieuse. Non ! il n’a pas combattu !

Et des insultes pour Garibaldi.

— Allons ! riposte Victor Hugo, je ne veux offenser ici personne ; mais, de tous les généraux français engagés dans cette guerre, Garibaldi est le seul qui n’ait pas été vaincu !

Là-dessus, épouvantable tempête. Cris : À l’ordre ! à l’ordre !

Dans un intervalle entre deux ouragans, Victor Hugo reprend :

— Je demande la validation de l’élection de Garibaldi.

Cris de la droite plus effroyables encore : — À l’ordre ! à l’ordre ! Nous voulons que le président rappelle M. Victor Hugo à l’ordre.

Le général Ducrot se fait remarquer parmi les plus bruyants.

Le président. — Je demande à M. Victor Hugo de vouloir bien s’expliquer. Je rappellerai à l’ordre ceux qui l’empêcheront de parler. Je suis juge du rappel à l’ordre.

Le tumulte est inexprimable. Victor Hugo fait de la main un geste ; on se tait ; il dit :

— Je vais vous satisfaire. Je vais même aller plus loin que vous. Il y a trois semaines, vous avez refusé d’entendre Garibaldi ; aujourd’hui vous refusez de m’entendre ; je donne ma démission.

Stupeur et consternation à droite. Le général Ducrot croit injurier Garibaldi en disant qu’il est venu défendre, non la France, mais la République.

Cependant le président annonce « que M. Victor Hugo vient de lui faire remettre une lettre par laquelle il donne sa démission ».

— Est-ce que M. Victor Hugo persiste ? demande-t-il.

— Je persiste, dit Victor Hugo.

— Non ! non ! lui crie-t-on maintenant à droite.

Mais il répète : — Je persiste.

Et le président reprend : — Je ne lirai néanmoins cette lettre qu’à la séance de demain.

Séance du 8.

Je vous ai jeté, à la dernière minute, quelques mots sur l’événement qui était la rumeur d’hier et qui est encore la rumeur d’aujourd’hui, — la démission de Victor Hugo.