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DEPUIS L’EXIL. — PARIS.

En frères, comme il y a trois ans ?

Non, en ennemis.

Pourquoi ?

Quel est ce malentendu sinistre ?

Deux nations ont fait l’Europe. Ces deux nations sont la France et l’Allemagne. L’Allemagne est pour l’occident ce que l’Inde est pour l’orient, une sorte de grande aïeule. Nous la vénérons. Mais que se passe-t-il donc ? et qu’est-ce que cela veut dire ? Aujourd’hui, cette Europe, que l’Allemagne a construite par son expansion et la France par son rayonnement, l’Allemagne veut la défaire.

Est-ce possible ?

L’Allemagne déferait l’Europe en mutilant la France.

L’Allemagne déferait l’Europe en détruisant Paris.

Réfléchissez.

Pourquoi cette invasion ? Pourquoi cet effort sauvage contre un peuple frère ?

Qu’est-ce que nous vous avons fait ?

Cette guerre, est-ce qu’elle vient de nous ? c’est l’empire qui l’a voulue, c’est l’empire qui l’a faite. Il est mort. C’est bien.

Nous n’avons rien de commun avec ce cadavre.

Il est le passé, nous sommes l’avenir.

Il est la haine, nous sommes la sympathie.

Il est la trahison, nous sommes la loyauté.

Il est Capoue et Gomorrhe, nous sommes la France.

Nous sommes la République française ; nous avons pour devise : Liberté, Égalité, Fraternité ; nous écrivons sur notre drapeau : États-Unis d’Europe. Nous sommes le même peuple que vous. Nous avons eu Vercingétorix comme vous avez eu Arminius. Le même rayon fraternel, trait d’union sublime, traverse le cœur allemand et l’âme française.

Cela est si vrai que nous vous disons ceci :

Si par malheur votre erreur fatale vous poussait aux suprêmes violences, si vous veniez nous attaquer dans cette ville auguste confiée en quelque sorte par l’Europe à