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DISCOURS SUR LA GUERRE.

Contre les peuples ? non ! contre les rois ! Que les rois recueillent ce qu’ils ont semé. Faites, princes ; mutilez, coupez, tranchez, volez, annexez, démembrez ! Vous créez la haine profonde ; vous indignez la conscience universelle. La vengeance couve, l’explosion sera en raison de l’oppression. Tout ce que la France perdra, la Révolution le gagnera. (Approbation sur les bancs de la gauche.)

Oh ! une heure sonnera – nous la sentons venir – cette revanche prodigieuse. Nous entendons dès à présent notre triomphant avenir marcher à grands pas dans l’histoire. Oui, dès demain, cela va commencer ; dès demain, la France n’aura plus qu’une pensée : se recueillir, se reposer dans la rêverie redoutable du désespoir ; reprendre des forces ; élever ses enfants, nourrir de saintes colères ces petits qui deviendront grands ; forger des canons et former des citoyens, créer une armée qui soit un peuple ; appeler la science au secours de la guerre ; étudier le procédé prussien, comme Rome a étudié le procédé punique ; se fortifier, s’affermir, se régénérer, redevenir la grande France, la France de 92, la France de l’idée et la France de l’épée. (Très bien ! très bien !)

Puis, tout à coup, un jour, elle se redressera ! Oh ! elle sera formidable ; on la verra, d’un bond, ressaisir la Lorraine, ressaisir l’Alsace !

Est-ce tout ? non ! non ! saisir, — écoutez-moi, — saisir Trêves, Mayence, Cologne, Coblentz…

Sur divers bancs. — Non ! non !

m. victor hugo. — Écoutez-moi, messieurs. De quel droit une assemblée française interrompt-elle l’explosion du patriotisme ?

Plusieurs membres. — Parlez, achevez l’expression de votre pensée.

m. victor hugo. — On verra la France se redresser, on la verra ressaisir la Lorraine, ressaisir l’Alsace. (Oui ! oui ! – Très bien !) Et puis, est-ce tout ? Non… saisir Trêves, Mayence, Cologne, Coblentz, toute la rive gauche du Rhin…