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AUX DÉLÉGUÉS DES COMMUNES.

accablent, la pensée que les despotismes musèlent, la conscience que les dogmes garrottent ; tel est le but de la France. Y parviendra-t-elle ? Oui. Ce que la France fonde en ce moment, c’est la liberté des peuples ; elle la fonde pacifiquement, par l’exemple ; l’œuvre est plus que nationale, elle est continentale ; l’Europe libre sera l’Europe immense ; elle n’aura plus d’autre travail que sa propre prospérité ; et, par la paix que la fraternité donne, elle atteindra la plus haute stature que puisse avoir la civilisation humaine.

On nous accuse de méditer une revanche ; on a raison ; nous méditons une revanche en effet, une revanche profonde. Il y a cinq ans, l’Europe semblait n’avoir qu’une pensée, amoindrir la France ; la France aujourd’hui lui réplique, et elle aussi n’a qu’une pensée, grandir l’Europe.

La république n’est autre chose qu’un grand désarmement ; à ce désarmement, il n’est mis qu’une condition, le respect réciproque du droit. Ce que la France veut, un mot suffit à l’exprimer, un mot sublime, la paix. De la paix sortira l’arbitrage, et de l’arbitrage sortiront les restitutions nécessaires et légitimes. Nous n’en doutons pas. La France veut la paix dans les consciences, la paix dans les intérêts, la paix dans les nations ; la paix dans les consciences par la justice, la paix dans les intérêts par le progrès, la paix dans les nations par la fraternité.

Cette volonté de la France est la vôtre, électeurs des communes. Achevez la fondation de la république. Faites pour le sénat de la France de tels choix qu’il en sorte la paix du monde. Vaincre est quelque chose, pacifier est tout. Faites, en présence de la civilisation qui vous regarde, une république désirable, une république sans état de siége, sans bâillon, sans exils, sans bagnes politiques, sans joug militaire, sans joug clérical, une république de vérité et de liberté. Tournez-vous vers les hommes éclairés. Envoyez-les au sénat, ils savent ce qu’il faut à la France. C’est de lumière que l’ordre est fait. La paix est une clarté. L’heure