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DEPUIS L’EXIL. — PARIS.

vérité, vous attendez de moi, et avec raison, le serrement de main que l’écrivain vétéran, absent des polémiques et étranger aux luttes de la presse, doit à ce combattant de toutes les heures qu’on appelle le journaliste. Je prends donc encore une fois la parole dans votre tribune, pour en redescendre aussitôt après et me mêler à la foule. Je parle aujourd’hui, ensuite je ne ferai plus qu’écouter.

Les devoirs de l’écrivain n’ont jamais été plus grands qu’à cette heure.

Au moment où nous sommes, il y a une chose à faire ; une seule. Laquelle ?

Relever la France.

Relever la France. Pour qui ? Pour la France ? Non. Pour le monde. On ne rallume pas le flambeau pour le flambeau.

On le rallume pour ceux qui sont dans la nuit ; pour ceux qui étendent les mains dans la cave et tâtent le mur funeste de l’obstacle ; pour ceux à qui manquent le guide, le rayon, la chaleur, le courage, la certitude du chemin, la vision du but ; pour ceux qui ont de l’ombre dans leur horizon, dans leur travail, dans leur itinéraire, dans leur conscience ; pour ceux qui ont besoin de voir clair dans leur chute ou dans leur victoire. On rallume le flambeau pour celui même qui l’a éteint, et qui, en l’éteignant, s’est aveuglé ; et c’est pour l’Allemagne qu’il faut relever la France.

Oui, pour l’Allemagne. Car l’Allemagne est esclave, et c’est de la France que lui reviendra la liberté.

La lumière délivre.

Mais pour rallumer le flambeau, pour relever la France, comment s’y prendre ? Qu’y a-t-il à faire ?

Cela est difficile, mais simple.

Il faut faire jaillir l’étincelle.

D’où ?

De l’âme du peuple.

Cette âme n’est jamais morte. Elle subit des occultations