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DEPUIS L’EXIL. — PARIS.

l’amnistie. Votez-la virilement. Élevez-vous au-dessus des alarmes factices. Voyez comme la suppression de l’état de siége a été simple. La promulgation de l’amnistie ne le serait pas moins. (Très bien à l’extrême gauche.) Faites grâce.

Je ne veux rien éluder. Ici se présente un côté grave de la question ; le pouvoir exécutif intervient et nous dit : Faire grâce, cela me regarde.

Entendons-nous.

Messieurs, il y a deux façons de faire grâce ; une petite et une grande. L’ancienne monarchie pratiquait la clémence de deux manières ; par lettres de grâce, ce qui effaçait la peine, et par lettres d’abolition, ce qui effaçait le délit. Le droit de grâce s’exerçait dans l’intérêt individuel, le droit d’abolition s’exerçait dans l’intérêt public. Aujourd’hui, de ces deux prérogatives de la royauté, le droit de grâce et le droit d’abolition, le droit de grâce, qui est le droit limité, est réservé au pouvoir exécutif, le droit d’abolition, qui est le droit illimité, vous appartient. Vous êtes en effet le pouvoir souverain ; et c’est à vous que revient le droit supérieur. Le droit d’abolition, c’est l’amnistie. Dans cette situation, le pouvoir exécutif vous offre de se substituer à vous ; la petite clémence remplacera la grande ; c’est l’ancien bon plaisir. C’est-à-dire que le pouvoir exécutif vous fait une proposition qui revient à ceci, une des deux commissions parlementaires vous a dit le mot dans toute son ingénuité : Abdiquez !

Ainsi, il y a un grand acte à faire, et vous ne le feriez pas ! Ainsi, le premier usage que vous feriez de votre souveraineté, ce serait l’abdication ! Ainsi, vous arrivez, vous sortez de la nation, vous avez en vous la majesté même du peuple, vous tenez de lui ce mandat auguste, éteindre les haines, fermer les plaies, calmer les cœurs, fonder la république sur la justice, fonder la paix sur la clémence ; et ce mandat, vous le déserteriez, et vous descendriez des hauteurs où la confiance publique vous a placés, et votre premier soin, ce serait de subordonner le pouvoir supé-