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DEPUIS L’EXIL. — PARIS.

phes se rachète et se compense par une augmentation de justice et de sagesse. Profitons des calamités publiques pour ajouter une vérité à l’esprit humain, et quelle vérité plus haute que celle-ci : Pardonner, c’est guérir !

Votez l’amnistie.

Enfin, songez à ceci :

Les amnisties ne s’éludent point. Si vous votez l’amnistie, la question est close ; si vous rejetez l’amnistie, la question commence.

Je voudrais m’arrêter ici, mais les objections s’opiniâtrent. Je les entends. Quoi ! tout amnistier ? Oui ! Quoi ! non seulement les délits politiques, mais les délits ordinaires ? Je dis : Oui ! et l’on me réplique : Jamais !

Messieurs, ma réponse sera courte et ce sera mon dernier mot.

Je vais simplement mettre sous vos yeux une page d’histoire. Ensuite vous conclurez. (Mouvement. — Profond silence.)

Il y a vingt-cinq ans, un homme s’insurgeait contre une nation. Un jour de décembre, ou, pour mieux dire, une nuit, cet homme, chargé de défendre et de garder la République, la prenait au collet, la terrassait et la tuait, attentat qui est le plus grand forfait de l’histoire. (Très bien ! à l’extrême gauche.) Autour de cet attentat, car tout crime a pour point d’appui d’autres crimes, cet homme et ses complices commettaient d’innombrables délits de droit commun. Laissez passer l’histoire ! Vol : vingt-cinq millions étaient empruntés de force à la Banque ; subornation de fonctionnaires : les commissaires de police, devenus des malfaiteurs, arrêtaient des représentants inviolables ; embauchage militaire, corruption de l’armée : les soldats gorgés d’or étaient poussés à la révolte contre le gouvernement régulier ; offense à la magistrature : les juges étaient chassés de leurs siéges par des caporaux ; destruction d’édifices : le palais de l’Assemblée était démoli, l’hôtel Sallandrouze était canonné et mitraillé ; assassinat,