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DEPUIS L’EXIL. — PARIS.

mort pour la mort, l’échafaud pour l’échafaud, histoire de s’entretenir la main, l’art pour l’art, c’est hideux.

Si elle est nécessaire, c’est qu’elle sauve la société.

Examinons.

À l’heure qu’il est, quatre questions sont pendantes, la question monétaire, la question politique, la question nationale, la question sociale ; c’est-à-dire que les quatre équilibres, qui sont notre vie même, sont compromis, l’équilibre financier par la question monétaire, l’équilibre légal par la question politique, l’équilibre extérieur par la question nationale, l’équilibre intérieur par la question sociale. La civilisation a ses quatre vents ; les voilà qui soufflent tous à la fois. Immense ébranlement. On entend le craquement de l’édifice ; les fondations se lézardent, les colonnes plient, les piliers chancellent, toute la charpente penche ; les anxiétés sont inouïes. La question politique et la question nationale s’enchevêtrent ; nos frontières perdues exigent la suppression de toutes les frontières ; la fédération des peuples seule peut le faire pacifiquement, les États-Unis d’Europe sont la solution, et la France ne reprendra sa suprématie que par la république française transformée en république continentale ; but sublime, ascension vertigineuse, sommet de civilisation ; comment y atteindre ? En même temps, le problème monétaire complique le problème social ; des perspectives obscures s’ouvrent de toutes parts, d’un côté les colonisations lointaines, la recherche des pays de l’or, l’Australie, la Californie, les transmigrations, les déplacements de peuples ; de l’autre côté, la monnaie fiduciaire, le billet de banque à revenu, la propriété démocratisée, la réconciliation du travail avec le capital par le billet à rente ; difficultés sans nombre, qui se résoudront un jour en bien-être et en lumière, et qui à cette heure se résument en misères et en souffrances. Telle est la situation. Et maintenant voici le remède : tuer Maroteau, tuer Lullier, tuer Ferré, tuer Rossel, tuer Crémieux ; tuer ces trois malheu-