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MORT DE FRANÇOIS-VICTOR HUGO.

« La mort, soit. Mais cette longue agonie, pourquoi ? Un jour, il était mieux, et nous le croyions déjà guéri ; puis il retombait, pour remonter, et pour retomber encore. Pourquoi ces sursis successifs, puisqu’il était condamné à mort ? Pourquoi la destinée, puisqu’elle avait décidé de le tuer, n’en a-t-elle pas fini tout de suite, et qui donc prend plaisir à prolonger ainsi notre exécution, et à nous faire mourir tant de fois ?

« Pauvre cher Victor ! que j’ai vu si enfant, et que j’allais chercher, le dimanche, à sa pension !

« Et son père ! Ses ennemis eux-mêmes diront que c’est trop. D’abord, ç’a été sa fille, — et toi, mon Charles ! Puis, il y a deux ans, ç’a été son fils aîné. Et maintenant, c’est le dernier. Quel bonheur pour leur mère d’être morte ! C’est là que les génies ne sont plus que des pères. Tous s’en sont allés, l’un après l’autre, le laissant seul. Lui si père ! Oh ! ses chers petits enfants des Feuilles d’automne ! On lui dira qu’il a d’autres enfants, nous tous, ses fils intellectuels, tous ceux qui sont nés de lui, et tous ceux qui en naîtront, et que ceux-là ne lui manqueront ni aujourd’hui, ni demain, ni jamais, et que la mort aura beau faire, ils seront plus nombreux d’âge en âge. D’autres lui diront cela ; mais moi, j’étais le frère de celui qui est mort, et je ne puis que pleurer.

« Auguste Vacquerie. »

OBSÈQUES DE FRANÇOIS-VICTOR HUGO

Bien avant l’heure indiquée, la foule était déjà telle dans la rue Drouot, qu’il était difficile d’arriver à la maison mortuaire. Un registre ouvert dans une petite cour recevait les noms de ceux qui voulaient témoigner leur douloureuse sympathie au père si cruellement frappé.

Un peu après midi, on a descendu le corps. Ç’a été une chose bien triste à voir, le père au bas de l’escalier regardant descendre la bière de son dernier fils.