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DEPUIS L’EXIL. — 1880.

chercha un parrain ; la marraine était toute trouvée, c’était Mme Delelée. Pour parrain, on pensa au général Lahorie. Il était à Paris, Delelée le représenta.

La mère fut si rapidement relevée de ses couches, que vingt-deux jours après elle assistait elle-même, à la mairie de Besançon, à la rédaction de l’acte de naissance du fils d’un compagnon d’armes de son mari, acte qui porte la signature de Mme Hugo, et lui donne l’âge de vingt-cinq ans. Le commandant Hugo en avait alors vingt-huit.

À quelles circonstances extérieures la mère et l’enfant, l’enfant surtout, venu au monde si chétif, devaient-ils d’avoir surmonté si facilement, la mère les dangers d’un accouchement précédé d’une grossesse pénible, l’enfant la délicate constitution avec laquelle il vint au monde ? L’un et l’autre le durent à la salubrité de notre climat, aux soins affectueux qu’ils reçurent.

Oui, il y a de cela soixante-dix-neuf ans, Victor Hugo naquit dans cette maison, dans cette chambre au premier étage ; oui, il y est né d’un sang breton et lorrain à la fois ; mais il y naquit chétif et moribond, et s’il survécut, s’il fit mentir les prévisions de la science, c’est qu’il eut, dès sa première aspiration à la vie, pour se réchauffer et se revivifier, cet air si pur qui anime toute la nature dans notre pays, qui fait les constitutions solides, les caractères bien trempés, les âmes fortes, et qui, dans ses effluves généreuses, inspire nos artistes et nos poëtes.

J’ai donc le droit de dire que le sang qui a produit ce puissant génie n’est pas seulement lorrain et breton ; il est franc-comtois aussi, et j’en revendique notre part ; le berceau qui a recueilli et réchauffé au seuil de la vie l’enfant moribond est à nous tout entier !

Arrivé là, ma tâche est finie. Je ne suivrai pas cette longue et incomparable existence dans les diverses phases de son évolution littéraire, politique et sociale. Je n’oserais aborder un pareil et si vaste sujet. Une voix plus jeune, mais aussi plus autorisée par de savantes études littéraires, vous les fera connaître ou vous les rappellera tout à l’heure. Un de mes collègues et amis du sénat disait, il y a quelque temps, à la tribune, en parlant de Victor Hugo : « Cet homme de génie dont le cerveau a donné l’hospitalité à toutes les