II
LE CENTENAIRE DE VOLTAIRE
Il y a cent ans aujourd’hui un homme mourait. Il mourait immortel. Il s’en allait chargé d’années, chargé d’œuvres, chargé de la plus illustre et de la plus redoutable des responsabilités, la responsabilité de la conscience humaine avertie et rectifiée. Il s’en allait maudit et béni, maudit par le passé, béni par l’avenir, et ce sont là, messieurs, les deux formes superbes de la gloire. Il avait à son lit de mort, d’un côté l’acclamation des contemporains et de la postérité, de l’autre ce triomphe de huée et de haine que l’implacable passé fait à ceux qui l’ont combattu. Il était plus qu’un homme, il était un siècle. Il avait exercé une fonction et rempli une mission. Il avait été évidemment élu pour l’œuvre qu’il avait faite par la suprême volonté qui se manifeste aussi visiblement dans les lois de la destinée que dans les lois de la nature. Les quatrevingt-quatre ans que cet homme a vécu occupent l’intervalle qui sépare la monarchie à son apogée de la révolution à son aurore. Quand il naquit Louis XIV régnait encore,