avec une tenaille de fer, puis, par grâce, on lui tranche la tête, et on le jette dans le bûcher. Ainsi mourut le chevalier de La Barre. Il avait dix-neuf ans. ( Longue et profonde sensation.)
Alors, ô Voltaire, tu poussas un cri d’horreur, et ce sera ta gloire éternelle ! ( Explosion d’applaudissements.)
Alors tu commenças l’épouvantable procès du passé, tu plaidas contre les tyrans et les monstres la cause du genre humain, et tu la gagnas. Grand homme, sois à jamais béni ! ( Nouveaux applaudissements.)
Messieurs, les choses affreuses que je viens de rappeler s’accomplissaient au milieu d’une société polie ; la vie était gaie et légère, on allait et venait, on ne regardait ni au-dessus ni au-dessous de soi, l’indifférence se résolvait en insouciance, de gracieux poëtes, Saint-Aulaire, Boufflers, Gentil-Bernard, faisaient de jolis vers, la cour était pleine de fêtes, Versailles rayonnait, Paris ignorait ; et pendant ce temps-là, par férocité religieuse, les juges faisaient expirer un vieillard sur la roue et les prêtres arrachaient la langue à un enfant pour une chanson. ( Vive émotion. Applaudissements.)
En présence de cette société frivole et lugubre, Voltaire, seul, ayant là sous ses yeux toutes ces forces réunies, la cour, la noblesse, la finance ; cette puissance inconsciente, la multitude aveugle ; cette effroyable magistrature, si lourde aux sujets, si docile au maître, écrasant et flattant, à genoux sur le peuple devant le roi ( Bravo !) ; ce clergé sinistrement mélangé d’hypocrisie et de fanatisme, Voltaire, seul, je le répète, déclara la guerre à cette coalition de toutes les iniquités sociales, à ce monde énorme et terrible, et il accepta la bataille. Et quelle était son arme ? celle qui a la légèreté du vent et la puissance de la foudre. Une plume. ( Applaudissements.)
Avec cette arme il a combattu, avec cette arme il a vaincu.
Messieurs, saluons cette mémoire.