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LES FUNÉRAILLES.

presque à la voûte. À la base, un grand médaillon de la République. Au-dessus, les hautes initiales V. H., que surmonte une sorte de disque lumineux aux rayons phosphorescents.

Devant le catafalque monumental, le sarcophage où sera déposé le corps, exhaussé sur un piédestal et recouvert de velours noir semé de larmes d’argent. Sur les marches, l’entassement des couronnes.

De chaque côté de l’Arc de Triomphe s’élancent deux oriflammes noires aux étoiles d’argent. Tout autour, sur le rond-point, deux cents lampadaires et torchères.

Le gaz, allumé en plein jour jette sous les crêpes noirs une lueur étrange et funèbre.

Un bataillon scolaire, relevé toutes les deux heures, formera la garde d’honneur. Quatre huissiers du sénat, en grande tenue de cérémonie, se tiennent aux coins du sarcophage. Deux rangs de cuirassiers en armes gardent l’entrée.


C’est un spectacle sans précédent dans l’histoire des honneurs rendus aux grands hommes que celui qui fut donné par cette journée, veille des funérailles de Victor Hugo.

À partir du moment où le corps fut exposé sous l’Arc de Triomphe, le peuple, que le poëte aimait, n’a cessé de l’entourer. Paris entier, non plus, comme en 1881, pendant six heures, mais pendant un jour et une nuit, a défilé ou s’est tenu devant son cercueil, consacrant par son hommage unanime l’entrée du maître, non plus dans sa quatrevingtième année, mais dans son immortalité.

Les boulevards, les rues, les avenues, présentaient, dans Paris, le même aspect singulier : des groupes et des voitures marchant dans la même direction, tous n’ayant qu’un unique objectif, l’Arc de Triomphe.

La foule répandue sur les avenues qui aboutissent à l’Étoile s’arrêtait devant le cordon ininterrompu des cavaliers de la garde républicaine entourant le monument. Ceux qui voulaient défiler devant le catafalque prenaient la file sur l’avenue Friedland. Quelle file ! longue de trois cents mètres sur toute la largeur de l’avenue ! une masse compacte, que ni le soleil, ni l’attente, ni la poussière,ne parvenaient à entamer ; des femmes, des vieillards qui ne se fatiguaient pas ; des enfants sur les épaules de leur père, d’autres mêlés à la cohue et qu’on retirait par instants à demi étouffés.