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BUG-JARGAL.
Jean Biassou. (Page 42.)
Jean Biassou. (Page 42.)

tanisme et de fascination excita alors mon attention : c’était le pansement des blessés. L’obi, qui remplissait dans l’armée les doubles fonctions de médecin de l’âme et de médecin du corps, avait commencé l’inspection des malades. Il avait dépouillé ses ornements sacerdotaux, et avait fait apporter auprès de lui une grande caisse à compartiments, dans laquelle étaient ses drogues et ses instruments. Il usait fort rarement de ses outils chirurgicaux, et, excepté une lancette en arête de poisson avec laquelle il pratiquait fort adroitement une saignée, il me paraissait assez gauche dans le maniement de la tenaille qui lui servait de pince, et du couteau qui lui tenait lieu de bistouri. Il se bornait, la plupart du temps, à prescrire des tisanes d’orange des bois, des breuvages de squine et de salsepareille, et quelques gorgées de vieux tafia. Son remède favori, et qu’il disait souverain, se composait de trois verres de vin rouge, où il mêlait la poudre d’une noix muscade et d’un jaune d’œuf bien cuits sous la cendre. Il employait ce spécifique pour guérir toute espèce de plaie ou de maladie. Vous concevez aisément que cette médecine était aussi dérisoire que le culte dont il se faisait le ministre ; et il est probable que le petit nombre de cures qu’elle opérait par hasard n’eût point suffi pour conserver à l’obi la confiance des noirs, s’il n’eût joint des jongleries à ses drogues, et s’il n’eût cherché à agir d’autant plus sur l’imagination des nègres qu’il agissait moins sur leurs maux. Ainsi, tantôt il se bornait à toucher leurs blessures en faisant quelques signes