Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/114

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Quoi ! ce qu’il fonde, invente, ébauche, essaie, et crée,
Quoi ! l’avenir couvé sous son aile sacrée,
Tout s’évanouirait dans un coup de canon !
Quoi ! ton rêve, ô Paris, serait un rêve ! non.

Paris est du progrès toute la réussite.
Qu’importe que le nord roule son noir Cocyte,
Et qu’un flot de passants le submerge aujourd’hui,
Les siècles sont pour lui si l’heure est contre lui.
Il ne périra pas.

Quand la tempête gronde,
Mes amis, je me sens une foi plus profonde ;
Je sens dans l’ouragan le devoir rayonner,
Et l’affirmation du vrai s’enraciner.
Car le péril croissant n’est pour l’âme autre chose
Qu’une raison de croître en courage, et la cause
S’embellit, et le droit s’affermit, en souffrant,
Et l’on semble plus juste alors qu’on est plus grand.
Il m’est fort malaisé, quant à moi, de comprendre
Qu’un lutteur puisse avoir un motif de se rendre ;
Je n’ai jamais connu l’art de désespérer ;
Il faut pour reculer, pour trembler, pour pleurer,
Pour être lâche, et faire avec l’honneur divorce,
Se donner une peine au-dessus de ma force.