Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/177

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Elle est l’amour, elle est la vie, elle est la joie.
L’air est pur, le jour luit, le firmament est bleu.
Elle berce en chantant le puissant petit dieu.
Quelle fête ! elle montre aux hommes, fière, gaie,
Ce rêve qui sera le monde et qui bégaie,
Ce tremblant embryon du nouveau genre humain,
Ce géant, nain encor, qui s’appelle Demain,
Et pour qui le sillon des temps futurs se creuse ;
Sur son front calme et tendre et sur sa bouche heureuse
Et dans son œil serein qui ne croit pas au mal,
Elle a ce radieux sourire, l’idéal.
On sent qu’elle est la ville où l’espérance habite ;
Elle aime, elle bénit ; mais si, noirceur subite,
L’éclipse vient, et donne aux peuples le frisson,
Si quelque vague monstre erre sur l’horizon,
Si tout ce qui serpente, écume, rampe et louche,
Vient menacer l’enfant divin, elle est farouche ;
Alors elle se dresse, alors elle a des cris
Terribles, et devient le furieux Paris ;
Elle gronde et rugit, sinistrement vivante,
Et celle qui charmait l’univers, l’épouvante.