Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/199

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Où sont les Charentons, France ? où sont les Bicêtres ?
Est-ce qu’ils ne vont pas se lever, les ancêtres,
Ces dompteurs de Brunswick, de Cobourg, de Bouillé,
Terribles, secouant leur vieux sabre rouillé,
Cherchant au ciel la grande aurore évanouie !
Est-ce que ce n’est pas une chose inouïe
Qu’ils soient violemment de l’histoire chassés,
Eux qui se prodiguaient sans jamais dire : Assez !
Eux qui tinrent le pape et les rois, l’ombre noire
Et le passé, captifs et cernés dans leur gloire,
Eux qui de l’ancien monde avaient fait le blocus,
Eux les pères vainqueurs, par nous les fils vaincus !

Hélas ! ce dernier coup après tant de misères,
Et la paix incurable où saignent deux ulcères,
Et tous ces vains combats, Avron, Bourget, l’Haÿ !
Après Strasbourg brûlée, après Paris trahi !
La France n’est donc pas encore assez tuée ?

Si la Prusse, à l’orgueil sauvage habituée,
Voyant ses noirs drapeaux enflés par l’aquilon,
Si la Prusse, tenant Paris sous son talon,
Nous eût crié : — Je veux que vos gloires s’enfuient.
Français, vous avez là deux restes qui m’ennuient,
Ce pilastre d’airain, cet arc de pierre ; il faut
M’en délivrer ; ici, dressez un échafaud,
Là, braquez des canons ; ce soin sera le vôtre.
Vous démolirez l’un, vous mitraillerez l’autre.