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Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/215

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C’est contre le passé, fantôme encor debout
Dans les lois, dans les mœurs, dans les haines, dans tout.
J’accuse, ô nos aïeux, car l’heure est solennelle,
Votre société, la vieille criminelle !
La scélérate a fait tout ce que nous voyons ;
C’est elle qui sur l’âme et sur tous les rayons
Et sur tous les essors posa ses mains immondes,
Elle qui l’un par l’autre éclipsa les deux mondes,
La raison par la foi, la foi par la raison ;
Elle qui mit au haut des lois une prison ;
Elle qui, fourvoyant les hommes, même en France,
Créa la cécité qu’on appelle ignorance,
Leur ferma la science, et, marâtre pour eux,
Laissant noirs les esprits, fit les cœurs ténébreux !
Je l’accuse, et je veux qu’elle soit condamnée.
Elle vient d’enfanter cette effroyable année.
Elle égare parfois jusqu’à d’affreux souhaits
Toi-même, ô peuple immense et puissant qui la hais !
Le bœuf meurtri se dresse et frappe à coups de corne.
Elle a créé la foule inconsciente et morne,
Elle a tout opprimé, tout froissé, tout plié,
Tout blessé ; la rancune est un glaive oublié,
Mais qu’on retrouve ; hélas ! la haine est une dette.
Cette société que les vieux temps ont faite,
Depuis deux mille ans règne, usurpe notre bien,
Notre droit, et prend tout même à ceux qui n’ont rien ;
Elle fait dévorer le peuple aux parasites ;
La guerre et l’échafaud, voilà ses réussites ;