Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/223

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


                          VI

« — Il est enjoint au sieur Hugo de par le roi
De quitter le royaume. » - Et je m’en vais. Pourquoi ?
Pourquoi ? mais c’est tout simple, amis. Je suis un homme
Qui, lorsque l’on dit : Tue ! hésite à dire : Assomme !
Quand la foule entraînée, hélas ! suit le torrent,
Je me permets d’avoir un avis différent ;
Le talion me fâche, et mon humeur bizarre
Préfère l’ange au tigre et John Brown à Pizarre ;
Je blâme sans pudeur les massacres en grand ;
Je ne bois pas de sang ; l’ordre, à l’état flagrant,
Exterminant, hurlant, bavant, tâchant de mordre,
Me semble, à moi songeur, fort semblable au désordre ;
J’assiste sans plaisir à ce hideux tournoi :
Cissey contre Duval, Rigault contre Vinoy.
Je hais qu’on joute à qui sera le plus féroce ;
Qu’un gueux aille pieds nus ou qu’il roule carrosse,
Qu’il soit prince ou goujat, j’ai le très méchant goût
De tout jeter, goujat et prince, au même égout ;