Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

a raison.
Il faut tuer celui qui ne veut pas qu’on tue ;
C’est juste. Le bon ordre exige une battue
Contre cet assassin plus noir qu’il n’en a l’air ;
Et puisqu’on veut brûler ma maison, il est clair
Que j’ai brûlé le Louvre ; et je suis l’étincelle
Qui dévore Paris en restant à Bruxelle.
Honneur à Mouravief et gloire à Galifet !
On me lapide et l’on m’exile. C’est bien fait.

O beauté de l’aurore ! ô majesté de l’astre !
Gibelin contre Guelfe, Yorck contre Lancastre,
Capulet, Montaigu, qu’importe ! que me font
Leurs cris, puisque voilà le firmament profond !
Ame, on a de la place aux voûtes éternelles.
Le sol manque à nos pieds, non l’azur à nos ailes.
Le despote est partout sur terre, atroce et laid,
Maître par un profit et par l’autre valet ;
Mais l’aube est pure, l’air est bon, l’abîme est libre ;
L’immense équité sort de l’immense équilibre ;
Evadons-nous là-haut ! et vivons ! Le songeur
Se plonge, ô ciel sublime, en ta chaste rougeur ;
Dans ta pudeur sacrée, Ombre, il se réfugie.
Dieu créa le banquet dont l’homme a fait l’orgie.
Le penseur hait la fête affreuse des tyrans.
Il voit Dieu calme au fond des gouffres transparents,
Et, saignant, pâle, après les épreuves sans nombre,
Se sent le bienvenu dans la profondeur sombre.
Il va. Sa conscience est là, rien ne dément