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Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/273

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Le matin glacial consterne l’horizon ;
Parfois le jour commence avec un tel frisson
Que le soleil levant semble une attaque obscure.
La branche offre la fleur au prix de la piqûre.
Par un sentier d’angoisse aux bleus sommets j’irai.
La vie ouvrant de farce un ventre déchiré,
A pour commencement une auguste souffrance.

L’onde de l’inconnu n’a qu’une transparence
Livide, où la clarté ne vient que par degrés ;
Ce qu’elle montre flotte en plis démesurés.
La dilatation de la forme et du nombre
Etonne, et c’est hideux d’apercevoir dans l’ombre
Aujourd’hui ce qui doit n’être vu que demain.
Demain semble infernal tant il est surhumain.
Ce qui n’est pas encor germe en d’obscurs repaires ;
Demain qui charmera les fils, fait peur aux pères,
L’azur est sous la nuit dont nous nous effrayons,
Et cet oeuf ténébreux est rempli de rayons.
Cette larve lugubre aura plus tard des ailes.
Spectre visible au fond des ombres éternelles,
Demain dans Aujourd’hui semble un embryon noir,
Rampant en attendant qu’il plane, étrange à voir,
Informe, aveugle, affreux ; plus tard l’aube le change.
L’avenir est un monstre avant d’être un archange.