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Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/53

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Vous les dédaigneriez. Ils n’ont pas la stature
De ceux que votre vers formidable torture,
Ni du chef argien, ni du baron pisan ;
Mais ils sont monstrueux pourtant, convenez-en.
Des premiers rois venus ils ont l’aspect vulgaire ;
Mais ils viennent avec des légions de guerre.
Ils poussent sur Paris les sept peuples saxons.
Hideux, casqués, dorés, tatoués de blasons,
Il faut que chacun d’eux de meurtre se repaisse ;
Chacun de ces rois prend pour emblème une espèce
De bête fauve et fait luire à son morion
La chimère d’un rude et morne alérion,
Ou quelque impur dragon agitant sa crinière ;
Et le grand chef arbore à sa haute bannière,
Teinte des deux reflets du tombeau tour à tour,
Un aigle étrange, blanc la nuit et noir le jour.
Avec eux, à grand bruit, et sous toutes les formes,
Krupps, bombardes, canons, mitrailleuses énormes,
Ils traînent sous ce mur qu’ils nomment ennemi
Le bronze, ce muet, cet esclave endormi,
Qui, tout à coup hurlant lorsqu’on le démusèle,
Est pris d’on ne sait quel épouvantable zèle
Et se met à détruire une ville, sans frein,
Sans trêve, avec la joie horrible de l’airain,
Comme s’il se vengeait, sur ces tours abattues,
D’être employé par l’homme à d’infâmes statues ;
Et comme s’il disait : Peuple, contemple en moi
Le monstre avec lequel tu fais ensuite un roi !