Page:Hugo - L'Année terrible, 1872.djvu/71

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J’affirme que le camp monstrueux des barbares,
Que les ours de leur cage ayant brisé les barres,
Approchent, que d’horreur les peuples sont émus,
Que nous ne sommes plus au temps des oremus,
Que les hordes sont là, que Paris est leur cible,
Et que nous devons tous pousser un cri terrible !
Aux armes, citoyens ! aux fourches, paysans !
Jette là ton psautier pour les agonisants,
Général, et faisons en hâte une trouée !
La Marseillaise n’est pas encore enrouée,
Le cheval que montait Kléber n’est pas fourbu.
Tout le vin de l’audace immense n’est pas bu,
Et Danton nous en laisse assez au fond du verre
Pour donner à la Prusse une chasse sévère,
Et pour épouvanter le vieux monde aux abois
De la réception que nous faisons aux rois !
Dussions-nous succomber d’ailleurs, la mort est grande.
Quand un trop bon chrétien dans la cité commande,
Quand je crois qu’on a peur, quand je vois qu’on attend,
Qu’est-ce que vous voulez, je ne suis pas content.
Ce chef vers son curé tourne un œil trop humide ;
Je le vois soldat brave et général timide ;
Comme le vieil Entelle et le vieux d’Aubigné,
J’ai des frémissements, je frissonne indigné ;
Nous sommes dans Paris, volcan, fournaise d’âmes,
Près de deux millions d’hommes, d’enfants, de femmes,
Pas un n’entend céder, pas une ; et nous voulons
La colère plus prompte et les discours moins longs ;