Page:Hugo - L'Art d'être grand-père, 1877.djvu/194

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Rien, pas même un serin, et pas même un pierrot.
La cage, c’est beaucoup ; mais le désert, c’est trop.
Triste oiseau ! dormir seul, et, quand l’aube s’allume,
Être seul à fouiller de son bec sous sa plume !
Le pauvre petit être était redevenu
Sauvage, à faire ainsi tourner ce perchoir nu.
Il semblait par moments s’être donné la tâche
De grimper d’un bâton à l’autre sans relâche ;
Son vol paraissait fou ; puis soudain le reclus
Se taisait, et, caché, morne, ne bougeait plus.
À voir son gonflement lugubre, sa prunelle,
Et sa tête ployée en plein jour sous son aile,
On devinait son deuil, son veuvage, et l’ennui
Du joyeux chant de tous dans l’ombre évanoui.
Ce matin j’ai poussé la porte de la cage.
J’y suis entré.

                            Deux mâts, une grotte, un bocage,
Meublent cette prison où frissonne un jet d’eau ;
Et l’hiver on la couvre avec un grand rideau.

Le pauvre oiseau, voyant entrer ce géant sombre,
A pris la fuite en haut, puis en bas, cherchant l’ombre,
Dans une anxiété d’inexprimable horreur ;
L’effroi du faible est plein d’impuissante fureur ;
Il voletait devant ma main épouvantable.