Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 1.djvu/130

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chose, c’est qu’on peut marcher jusqu’à ce qu’on tombe. Une notion est un guide ; il n’avait pas de notion. On l’avait amené là et laissé là. On et , ces deux énigmes, représentaient toute sa destinée ; on était le genre humain ; était l’univers. Il n’avait ici-bas absolument pas d’autre point d’appui que la petite quantité de terre où il posait le talon, terre dure et froide à la nudité de ses pieds. Dans ce grand monde crépusculaire ouvert de toutes parts, qu’y avait-il pour cet enfant ? Rien.

Il marchait vers ce Rien.

L’immense abandon des hommes était autour de lui.

Il traversa diagonalement le premier plateau, puis un second, puis un troisième. À l’extrémité de chaque plateau, l’enfant trouvait une cassure de terrain ; la pente était quelquefois abrupte, mais toujours courte, les hautes plaines nues de la pointe de Portland ressemblent à de grandes dalles à demi engagées les unes sous les autres ; le côté sud semble entrer sous la plaine précédente, et le côté nord se relève sur la suivante. Cela fait des ressauts que l’enfant franchissait