Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 1.djvu/175

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reconnaissent point la patrie officielle. Mi madre se llama montaña, « ma mère s’appelle la montagne », disait l’arriero Zalareus. Des cinq hommes accompagnant les deux femmes, un était français languedocien, un était français provençal, un était gênois, un, vieux, celui qui avait le sombrero sans trou à pipe, paraissait allemand, le cinquième, le chef, était un basque landais de Biscarosse. C’était lui qui, au moment où l’enfant allait entrer dans l’ourque, avait d’un coup de talon jeté la passerelle à la mer. Cet homme, robuste, subit, rapide, couvert, on s’en souvient, de passementeries, de pasquilles et de clinquants qui faisaient ses guenilles flamboyantes, ne pouvait tenir en place, se penchait, se dressait, allait et venait sans cesse d’un bout du navire l’autre, comme inquiet entre ce qu’il venait de faire et ce qui allait arriver.

Ce chef de la troupe et le patron de l’ourque, et les deux hommes d’équipage, basques tous quatre, parlaient tantôt basque, tantôt espagnol, tantôt français, ces trois langues étant répandues sur les deux revers des Pyrénées. Du reste, hormis les femmes, tous parlaient à peu