Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 1.djvu/180

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car la physionomie est surtout un reflet, et c’est une erreur de croire que l’idée n’a pas de couleur. Cette physionomie était évidemment la surface d’un étrange état intérieur, la résultante d’un composé de contradictions allant se perdre les unes dans le bien, les autres dans le mal, et, pour l’observateur, la révélation d’un à-peu-près humain pouvant tomber au-dessous du tigre ou grandir au-dessus de l’homme. Ces chaos de l’âme existent. Il y avait de l’illisible sur cette figure. Le secret y allait jusqu’à l’abstrait. On comprenait que cet homme avait connu l’avant-goût du mal, qui est le calcul, et l’arrière-goût, qui est le zéro. Dans son impassibilité, peut-être seulement apparente, étaient empreintes les deux pétrifications, la pétrification du cœur, propre au bourreau, et la pétrification de l’esprit, propre au mandarin. On pouvait affirmer, car le monstrueux a sa manière d’être complet, que tout lui était possible, même s’émouvoir. Tout savant est un peu cadavre ; cet homme était un savant. Rien qu’à le voir, on devinait cette science empreinte dans les gestes de sa personne et dans les plis de sa robe. C’était une face fossile dont le sérieux