Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 1.djvu/210

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tourné tout entier vers le patron et il prononça ces paroles lentement, syllabe à syllabe :

— Si cette nuit, quand nous serons au milieu de la mer, nous entendons le son d’une cloche, le navire est perdu.

Le patron le considéra, stupéfait.

— Que voulez-vous dire ?

Le docteur ne répondit pas. Son regard, un instant sorti, était maintenant rentré. Son œil était redevenu intérieur. Il ne sembla point percevoir la question étonnée du patron. Il n’était plus attentif qu’à ce qu’il écoutait en lui-même. Ses lèvres articulèrent, comme machinalement, ces quelques mots bas comme un murmure :

— Le moment est venu pour les âmes noires de se laver.

Le patron fit cette moue expressive qui rapproche du nez tout le bas du visage.

— C’est plutôt le fou que le sage, grommela-t-il.

Et il s’éloigna.

Cependant il mit le cap à l’ouest.

Mais le vent et la mer grossissaient.