Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 1.djvu/223

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voile ne fut carguée, pas un foc ne fut amené, pas un ris ne fut pris, tant l’évasion est un délire. Le mât craquait et se ployait en arrière, comme effrayé.

Les cyclones, dans notre hémisphère nord, tournent de gauche à droite, dans le même sens que les aiguilles d’une montre, avec un mouvement de translation qui atteint quelquefois soixante milles par heure. Quoiqu’elle fût en plein à la merci de cette violente poussée giratoire, l’ourque se comportait comme si elle eût été dans le demi-cercle maniable, sans autre précaution que de se tenir debout à la lame, et de présenter le cap au vent antérieur en recevant le vent actuel à tribord afin d’éviter les coups d’arrière et de travers. Cette demi-prudence n’eût servi de rien en cas d’une saute de vent de bout en bout.

Une profonde rumeur soufflait dans la région inaccessible.

Le rugissement de l’abîme, rien n’est comparable à cela. C’est l’immense voix bestiale du monde. Ce que nous appelons la matière, cet organisme insondable, cet amalgame d’énergies incommensurables où parfois on distingue une