Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 1.djvu/23

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sement de routes, à l’entrée des hameaux, aux portes des bourgs, dans les halles, dans les mails publics, sur la lisière des parcs, sur les parvis d’églises. Quand la carriole s’arrêtait dans quelque champ de foire, quand les commères accouraient béantes, quand les curieux faisaient cercle, Ursus pérorait, Homo approuvait. Homo, une sébile dans sa gueule, faisait poliment la quête dans l’assistance. Ils gagnaient leur vie. Le loup était lettré, l’homme aussi. Le loup avait été dressé par l’homme, ou s’était dressé tout seul, à diverses gentillesses de loup qui contribuaient à la recette. — Surtout ne dégénère pas en homme, lui disait son ami.

Le loup ne mordait jamais, l’homme quelquefois. Du moins, mordre était la prétention d’Ursus. Ursus était un misanthrope, et, pour souligner sa misanthropie, il s’était fait bateleur. Pour vivre aussi, car l’estomac impose ses conditions. De plus ce bateleur misanthrope, soit pour se compliquer, soit pour se compléter, était médecin. Médecin c’est peu, Ursus était ventriloque. On le voyait parler sans que sa bouche remuât. Il copiait, à s’y méprendre, l’accent et la pronon-