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Les naufragés se tournèrent vers le chef, leur espoir. Il ne put que hausser les épaules ; morne dédain de l’impuissance.

Un pavé au milieu de l’océan, c’est le rocher Ortach. L’écueil Ortach, tout d’une pièce, au-dessus du choc contrarié des houles, monte droit à quatre-vingts pieds de haut. Les vagues et les navires s’y brisent. Cube immuable, il plonge à pic ses flancs rectilignes dans les innombrables courbes serpentantes de la mer.

La nuit il figure un billot énorme posé sur les plis d’un grand drap noir. Dans la tempête, il attend le coup de hache, qui est le coup de tonnerre.

Mais jamais de coup de tonnerre dans la trombe de neige. Le navire, il est vrai, a le bandeau sur les yeux ; toutes les ténèbres sont nouées sur lui. Il est prêt comme un supplicié. Quant à la foudre, qui est une fin prompte, il ne faut point l’espérer.

La Matutina, n’étant plus qu’un échouement flottant, s’en alla vers ce rocher-ci comme elle était allée vers l’autre. Les infortunés, qui s’étaient un moment crus sauvés, rentrèrent dans