Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 1.djvu/281

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ment diffus, et le sombre de l’infini se rapprocha de toutes parts du navire. Ce mur de nuit, cette occlusion circulaire, ce dedans de cylindre dont le diamètre décroissait de minute en minute, enveloppait la Matutina, et, avec la lenteur sinistre d’une banquise qui se ferme, se rapetissait formidablement. Au zénith, rien, un couvercle de brume, une clôture. L’ourque était comme au fond du puits de l’abîme.

Dans ce puits, une flaque de plomb liquide, c’était la mer. L’eau ne bougeait plus. Immobilité morne. L’océan n’est jamais plus farouche qu’étang.

Tout était silence, apaisement, aveuglement.

Le silence des choses est peut-être de la taciturnité.

Les derniers clapotements glissaient le long du bordage. Le pont était horizontal avec des déclivités insensibles. Quelques dislocations remuaient faiblement. La coque de grenade, qui tenait lieu de fanal, et où brillaient des étoupes dans du goudron, ne se balançait plus au beaupré et ne jetait plus de gouttes enflammées dans la mer. Ce qui restait de souffle dans les nuées n’avait