Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 1.djvu/313

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de la haute mer. Il marchait, ignorant, entre deux abîmes.

L’isthme de Portland était à cette époque singulièrement âpre et rude. Il n’a plus rien aujourd’hui de sa configuration d’alors. Depuis qu’on a eu l’idée d’exploiter la pierre de Portland en ciment romain, toute la roche a subi un remaniement qui a supprimé l’aspect primitif. On y trouve encore le calcaire lias, le schiste, et le trapp sortant des bancs de conglomérat comme la dent de la gencive ; mais la pioche a tronqué et nivelé tous ces pilons hérissés et scabreux où venaient se percher hideusement les ossifrages. Il n’y a plus de cimes où puissent se donner rendez-vous les labbes et les stercoraires qui, comme les envieux, aiment à souiller les sommets. On chercherait en vain le haut monolithe nommé Godolphin, vieux mot gallois qui signifie aigle blanche. On cueille encore, l’été, dans ces terrains forés et troués comme l’éponge, du romarin, du pouliot, de l’hysope sauvage, du fenouil de mer qui, infusé, donne un bon cordial, et cette herbe pleine de nœuds qui sort du sable et dont on fait de la natte ; mais on n’y ramasse