Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 1.djvu/315

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sur ces sables l’otarie moustachue, aux oreilles enroulées, aux mâchelières pointues, se traînant sur ses pattes sans ongles. Dans ce Portland aujourd’hui méconnaissable, il n’y a jamais eu de rossignols, à cause du manque de forêts, mais les faucons, les cygnes et les oies de mer se sont envolés. Les moutons de Portland d’à présent ont la chair grasse et la laine fine ; les rares brebis qui paissaient il y a deux siècles cette herbe salée étaient petites et coriaces et avaient la toison bourrue, comme il sied à des troupeaux celtes menés jadis par des bergers mangeurs d’ail qui vivaient cent ans et qui, à un demi-mille de distance, perçaient des cuirasses avec leur flèche d’une aune de long. Terre inculte fait laine rude. Le Chess-Hill d’aujourd’hui ne ressemble en rien au Chess-Hill d’autrefois, tant il a été bouleversé par l’homme, et par ces furieux vents des Sorlingues qui rongent jusqu’aux pierres.

Aujourd’hui cette langue de terre porte un railway qui aboutit à un joli échiquier de maisons neuves, Chesilton, et il y a une « Portland-Station ». Les wagons roulent où rampaient les phoques.