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Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 1.djvu/382

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trousse, et la remit sur une planche. Il ne regardait rien et semblait ne rien voir. Sa prunelle était vitreuse. Quelque chose de profond remuait dans son esprit. Sa pensée enfin se fit jour, comme d’ordinaire, par une vive sortie de paroles. Il s’écria :

— Décidément heureuse ! Morte, bien morte.

Il s’accroupit, et remit une pelletée de scories dans le poêle, et, tout en fourgonnant la tourbe, il grommela :

— J’ai eu de la peine à la trouver. La malice inconnue l’avait fourrée sous deux pieds de neige. Sans Homo, qui voit aussi clair avec son nez que Christophe Colomb avec son esprit, je serais encore là à patauger dans l’avalanche et à jouer à cache-cache avec la mort. Diogène prenait sa lanterne et cherchait un homme, j’ai pris ma lanterne et j’ai cherché une femme ; il a trouvé le sarcasme, j’ai trouvé le deuil. Comme elle était froide ! J’ai touché la main, une pierre. Quel silence dans les yeux ! Comment peut-on être assez bête pour mourir en laissant un enfant derrière soi ! Ça ne va pas être commode à présent de tenir trois dans celle boîte-ci. Quelle tuile ! Voilà