Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 1.djvu/65

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chiens en bleu et en vert ? La nature est notre canevas. L’homme a toujours voulu ajouter quelque chose à Dieu. L’homme retouche la création, parfois en bien, parfois en mal. Le bouffon de cour n’était pas autre chose qu’un essai de ramener l’homme au singe. Progrès en arrière. Chef-d’œuvre à reculons. En même temps, on tâchait de faire le singe homme. Barbe, duchesse de Cleveland et comtesse de Southampton, avait pour page un sapajou. Chez Françoise Sutton, baronne Dudley, huitième pairesse du banc des barons, le thé était servi par un babouin vêtu de brocart d’or que lady Dudley appelait « mon nègre ». Catherine Sidley, comtesse de Dorchester, allait prendre séance au parlement dans un carrosse armorié derrière lequel se tenaient debout, museaux au vent, trois papions en grande livrée. Une duchesse de Medina-Cœli, dont le cardinal Polus vit le lever, se faisait mettre ses bas par un orang-outang. Ces singes montés en grade faisaient contrepoids aux hommes brutalisés et bestialisés. Cette promiscuité, voulue par les grands, de l’homme et de la bête, était particulièrement soulignée par le nain et le chien. Le