Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 4.djvu/144

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

puissant, car il t’a fait venir. La distance impossible était entre nous. J’étais dans Sirius et tu étais dans Allioth. Tu as fait la traversée démesurée, et te voilà. C’est bien. Tais-toi. Prends-moi.

Elle s’arrêta. Il frissonnait. Elle se remit à sourire.

— Vois-tu, Gwynplaine, rêver, c’est créer. Un souhait est un appel. Construire une chimère, c’est provoquer la réalité. L’ombre toute-puissante et terrible ne se laisse pas défier. Elle nous satisfait. Te voilà. Oserai-je me perdre ? oui. Oserai-je être ta maîtresse, ta concubine, ton esclave, ta chose ? avec joie. Gwynplaine, je suis la femme. La femme, c’est de l’argile qui désire être fange. J’ai besoin de me mépriser. Cela assaisonne l’orgueil. L’alliage de la grandeur, c’est la bassesse. Rien ne se combine mieux. Méprise-moi, toi qu’on méprise. L’avilissement sous l’avilissement, quelle volupté ! la fleur double de l’ignominie ! je la cueille. Foule-moi aux pieds. Tu ne m’en aimeras