Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 4.djvu/20

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l’oreille ce grincement de serrures et de verrous qui semble le hurlement de joie de la prison dévorant un misérable. Il attendit. Quoi ? Il épia. Quoi ? Ces inexorables portes, une fois fermées, ne se rouvrent pas tout de suite ; elles sont ankylosées par leur stagnation dans les ténèbres et elles ont les mouvements difficiles, surtout lorsqu’il s’agit de délivrer ; entrer, soit ; sortir, c’est différent. Ursus le savait. Mais attendre est une chose qu’on n’est pas libre de cesser à volonté ; on attend malgré soi ; les actions que nous faisons dégagent une force acquise qui persiste même lorsqu’il n’y a plus d’objet, qui nous possède et nous tient, et qui nous oblige pendant quelque temps à continuer ce qui est désormais sans but. Le guet inutile, posture inepte que nous avons tous eue dans l’occasion, perte de temps que fait machinalement tout homme attentif à une chose disparue. Personne n’échappe à ces fixités-là. On s’obstine avec une sorte d’acharnement distrait. On ne sait pourquoi l’on reste à cet endroit où l’on