Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 4.djvu/290

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suis aussi un des vôtres, ô vous les pauvres ! un roi m’a vendu, un pauvre m’a recueilli. Qui m’a mutilé ? un prince. Qui m’a guéri et nourri ? un meurt-de-faim. Je suis lord Clancharlie, mais je reste Gwynplaine. Je tiens aux grands, et j’appartiens aux petits. Je suis parmi ceux qui jouissent et avec ceux qui souffrent. Ah ! cette société est fausse. Un jour viendra la société vraie. Alors il n’y aura plus de seigneurs, il y aura des vivants libres. Il n’y aura plus de maîtres, il y aura des pères. Ceci est l’avenir. Plus de prosternement, plus de bassesse, plus d’ignorance, plus d’hommes bêtes de somme, plus de courtisans, plus de valets, plus de rois, la lumière ! En attendant, me voici. J’ai un droit, j’en use. Est-ce un droit ? Non, si j’en use pour moi. Oui, si j’en use pour tous. Je parlerai aux lords, en étant un. Ô mes frères d’en bas, je leur dirai votre dénûment. Je me dresserai avec la poignée des haillons du peuple dans la main, et je secouerai sur les maîtres la misère des esclaves, et ils ne pourront plus, eux les