Page:Hugo - Légende des siècles, Hachette, 1920, 1e série, volume 1.djvu/272

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Il jeûnait plus longtemps qu’autrui les jours de jeûne, Quoiqu’il perdît sa force et qu’il ne fût plus jeune.

À soixante-trois ans, une fièvre le prit. Il relut le Koran de sa main même écrit, Puis il remit au fils de Séid la bannière, En lui disant : « Je touche à mon aube dernière, Il n’est pas d’autre Dieu que Dieu. Combats pour lui. » Et son œil, voilé d’ombre, avait ce morne ennui D’un vieux aigle forcé d’abandonner son aire. Il vint à la mosquée à son heure ordinaire, Appuyé sur Ali, le peuple le suivant ; Et l’étendard sacré se déployait au vent. Là, pâle, il s’écria, se tournant vers la foule : « Peuple, le jour s’éteint, l’homme passe et s’écoule ; La poussière et la nuit, c’est nous. Dieu seul est grand. Peuple, je suis l’aveugle et je suis l’ignorant. Sans Dieu je serais vil plus que la bête immonde. » Un scheik lui dit :« Ô chef des vrais croyants ! le monde, Sitôt qu’il t’entendit, en ta parole crut ; Le jour où tu naquis une étoile apparut,