Page:Hugo - Légende des siècles, Hachette, 1920, 1e série, volume 1.djvu/288

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Songea, surpris d’avoir de l’ombre sur sa tête ; Puis il dit, redoutable en sa sérénité : « Arbre, que fais-tu là ? Pourquoi t’es-tu hâté De sourdre, de germer, de grandir dans une heure ? Pourquoi donner de l’ombre au roc où je demeure ? L’ordre éternel n’a point de ces rapidités ; Jéhovah, dont les yeux s’ouvrent de tous côtés, Veut que l’œuvre soit lente, et que l’arbre se fonde Sur un pied fort, scellé dans l’argile profonde ; Pendant qu’un arbre naît, bien des hommes mourront ; La pluie est sa servante, et, par le bois du tronc, La racine aux rameaux frissonnants distribue L’eau qui se change en séve aussitôt qu’elle est bue. Dieu le nourrit de terre, et, l’en rassasiant, Veut que l’arbre soit dur, solide et patient, Pour qu’il brave, à travers sa rude carapace, Les coups de fouet du vent tumultueux qui passe, Pour qu’il porte le temps comme l’âne son bât, Et qu’on puisse compter, quand la hache l’abat,