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Page:Hugo - Légende des siècles, Hachette, 1920, 1e série, volume 2.djvu/317

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Tous les autres, ramant l’ombre des deux côtés,
Sont les galériens des blêmes royautés ;
Or, les rois ont eu l’art de mettre en équilibre
Les pauvres peuples serfs avec le peuple libre,
Et font garder, afin que l’ordre soit complet,
Les esclaves, forçats, par le libre, valet.

Et dire que la Suisse eut jadis l’envergure
D’un peuple qui se lève et qui se transfigure !
Ô vils marchands d’eux-même ! immonde abaissement !
Leur enfance a reçu ce haut enseignement
Qu’un peuple s’affranchit, c’est-à-dire se crée,
Par la révolte sainte et l’émeute sacrée,
Qu’il faut rompre ses fers, vaincre, et que le lion
Superbe, pour crinière a la rébellion ;
C’est leur dogme. À cette heure, ils ont dans leur service
De punir dans autrui leur vertu comme un vice ;
Ils le font. Les voici prêtant main-forte aux rois
Contre un Sempach lombard, contre un Morat hongrois !
Si bien que maintenant, c’est fini. Nous en sommes
À cette indignité qu’en tout pays les hommes
Entendent l’Helvétie, en des coins ténébreux,
Chuchoter, proposant à leurs maîtres contre eux
Ses archers, d’autant plus lâches qu’ils sont plus braves,