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Page:Hugo - Légende des siècles, Hachette, 1920, 1e série, volume 2.djvu/391

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Et le pêcheur, traînant son filet ruisselant,
Joyeux, parut au seuil, et dit : « C’est la marine. »


X

« C’est toi ! » cria Jeannie, et, contre sa poitrine,
Elle prit son mari comme on prend un amant,
Et lui baisa sa veste avec emportement,
Tandis que le marin disait : « Me voici, femme ! »
Et montrait sur son front qu’éclairait l’âtre en flamme
Son cœur bon et content que Jeannie éclairait.
« Je suis volé, dit-il ; la mer, c’est la forêt.
— Quel temps a-t-il fait ? — Dur. — Et la pêche ? — Mauvaise.
Mais, vois-tu, je t’embrasse, et me voilà bien aise.
Je n’ai rien pris du tout. J’ai troué mon filet.
Le diable était caché dans le vent qui soufflait.
Quelle nuit ! Un moment, dans tout ce tintamarre,
J’ai cru que le bateau se couchait, et l’amarre
A cassé. Qu’as-tu fait, toi, pendant ce temps-là ? »
Jeannie eut un frisson dans l’ombre et se troubla.
« — Moi ? dit-elle. Ah ! mon Dieu ! rien, comme à l’ordinaire.
J’ai cousu. J’écoutais la mer comme un tonnerre,
J’avais peur. — Oui, l’hiver est dur, mais c’est égal. »
Alors, tremblante ainsi que ceux qui font le mal,
Elle dit : « À propos, notre voisine est morte.
C’est hier qu’elle a dû mourir, enfin, n’importe,
Dans la soirée, après que vous fûtes partis.