Page:Hugo - Légende des siècles, Hachette, 1920, 1e série, volume 2.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Venez ; l’alcôve est morne, une brume l’emplit ;
Cléopâtre est couchée à jamais ; cette femme
Fut l’éblouissement de l’Asie et la flamme
Que tout le genre humain avait dans le regard ;
Quand elle disparut, le monde fut hagard ;
Ses dents étaient de perle et sa bouche était d’ambre ;
Les rois mouraient d’amour en entrant dans sa chambre ;
Pour elle Ephractaeus soumit l’Atlas, Sapor
Vint d’Osymandias saisir le cercle d’or,
Mamylos conquit Suse et Tentyris détruite,
Et Palmyre, et pour elle Antoine prit la fuite ;
Entre elle et l’univers qui s’offraient à la fois
Il hésita, lâchant le monde dans son choix.
Cléopâtre égalait les Junons éternelles ;
Une chaîne sortait de ses vagues prunelles ;
Ô tremblant cœur humain, si jamais tu vibras,
C’est dans l’étreinte altière et douce de ses bras ;
Son nom seul enivrait ; Strophus n’osait l’écrire ;
La terre s’éclairait de son divin sourire,
À force de lumière et d’amour, effrayant ;