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Page:Hugo - Légende des siècles, Hachette, 1920, 1e série, volume 2.djvu/81

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Tu sombrais parmi ceux que le mal submergea ;
Déjà Satan était visible en toi ; déjà,
Sans t’en douter, promis aux tourbillons funèbres
Des spectres sous la voûte infâme des ténèbres,
Tu portais sur ton dos les ailes de la nuit ;
De ton pas sépulcral l’enfer guettait le bruit ;
Autour de toi montait, par ton crime attirée,
L’obscurité du gouffre ainsi qu’une marée ;
Tu penchais sur l’abîme où l’homme est châtié ;
Mais tu viens d’avoir, monstre, un éclair de pitié ;
Une lueur suprême et désintéressée
A, comme à ton insu, traversé ta pensée,
Et je t’ai fait mourir dans ton bon mouvement ;
Il suffit, pour sauver même l’homme inclément,
Même le plus sanglant des bourreaux et des maîtres,
Du moindre des bienfaits sur le dernier des êtres ;
Un seul instant d’amour rouvre l’Éden fermé ;
Un pourceau secouru pèse un monde opprimé ;
Viens ! le ciel s’offre, avec ses étoiles sans nombre,
En frémissant de joie, à l’évadé de l’ombre !
Viens ! tu fus bon un jour, sois à jamais heureux.
Entre, transfiguré ! tes crimes ténébreux,
Ô roi, derrière toi s’effacent dans les gloires ;
Tourne la tête, et vois blanchir tes ailes noires. »