Page:Hugo - La Fin de Satan, 1886.djvu/116

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Et sa main qui s’ouvrait et devenait immense,
Semblait jeter aux vents de l’ombre une semence.
On racontait sa vie, et qu’il avait été
Par une vierge au fond d’une étable enfanté
Sous une claire étoile et dans la nuit sereine ;
L’âne et le bœuf, pensifs, l’ignorance et la peine,
Etaient à sa naissance, et sous le firmament
Se penchaient, ayant l’air d’espérer vaguement ;
On contait qu’il avait une raison profonde,
Qu’il était sérieux comme celui qui fonde,
Qu’il montrait l’âme aux sens, le but aux paresseux,
Et qu’il blâmait les grands, les prêtres, et tous ceux
Qui marchent entourés d’hommes armés de piques.
Il avait, disait-on, guéri des hydropiques ;
Des impotents, cloués vingt ans sous leurs rideaux,
En le quittant, portaient leur grabat sur leur dos ;
Son œil fixe appelait hors du tombeau les vierges ;
Les aveugles, les sourds, — ô destin, tu submerges
Ceux-ci dans le silence et ceux-là dans la nuit ! —
Le voyaient, l’entendaient ; et dans son vil réduit
Il touchait le lépreux, isolé sous des claies ;
Ses doigts tenaient les clefs invisibles des plaies,
Et les fermaient ; les cœurs vivaient en le suivant ;
Il marchait sur l’eau sombre et menaçait le vent ;
Il avait arraché sept monstres d’une femme ;
Le malade incurable et le pêcheur infâme
L’imploraient, et leurs mains tremblantes s’élevaient ;
Il sortait des vertus de lui qui les sauvaient ;