Page:Hugo - La Fin de Satan, 1886.djvu/238

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L’âme immense d’Adam, couché sous le Calvaire,
Sembla soudain monter dans ce voleur sévère,
Il éleva la voix tout à coup, du côté
Où les monts s’enfonçaient dans plus d’obscurité,
Cachant Jérusalem sous le brouillard perdue,
Et pendant qu’il parlait, jetant dans l’étendue,
L’anathème, les cris, les plaintes, les affronts,
Quelque chose qu’on vit plus tard sur d’autres fronts,
Une langue de flamme, au-dessus de sa tête
Brillait et volait, comme en un vent de tempête ;
Et Barabbas debout, transfiguré, tremblant,
Terrible, cria :

                           - Peuple, affreux peuple sanglant,
Qu’as-tu fait ; Ô Caïn, Dathan, Nemrod, vous autres,
Quel est ce crime-ci qui passe tous les nôtres ;
Voilà donc ce qu’on fait des justes ici-bas ;
Populace ! à ses pieds jadis tu te courbas,
Tu courais l’adorer sur les places publiques,
Tu voyais sur son dos deux ailes angéliques,
Il était ton berger, ton guide, ton soutien.
Dès qu’un homme paraît pour te faire du bien,
Peuple, et pour t’apporter quelque divin message,
Pour te faire meilleur, plus fort, plus doux, plus sage,
Pour t’ouvrir le ciel sombre, espérance des morts,
Tu le suis d’abord, puis, tout à coup, tu le mords,
Tu le railles, le hais, l’insultes, le dénigres ;
O troupeau de moutons d’où sort un tas de tigres ;