Page:Hugo - La Fin de Satan, 1886.djvu/246

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Une tourbe le suit ; il arrive au plateau ;
D’infâmes poings crispés arrachent son manteau ;
Cris féroces ; va donc ! pas de miséricorde ;
Il va, montrant son dos rouge de coups de corde,
Hué par l’aboiement et mordu par les crocs
D’on ne sait quel vil peuple, envieux des bourreaux ;
Au milieu des affronts il est comme une cible.
On étend l’homme, nu comme un Adam terrible,
Sur le gibet qu’il a traîné dans le chemin ;
On enfonce des clous dans ses mains ; chaque main
Jette un long flot de sang à celui qui la cloue,
Et le bourreau blasphème en essuyant sa joue ;
La foule rit. On cloue après les mains, les pieds ;
Le marteau maladroit meurtrit ses doigts broyés ;
On appuie à son front la couronne d’épines ;
Puis, entre deux bandits expiant leurs rapines,
On élève la croix en jurant, en frappant,
En secouant le corps qui se disloque et pend ;
Le sang le long du bois en ruisseaux rouges coule ;
Et la mère est en bas qui gémit ; et la foule
Rit : — Voyons, dieu Jésus, descends de cette croix ; —
Une éponge de fiel se dresse. — As-tu soif ? bois ; —
Le peuple horrible a l’air du loup dans le repaire ;
Et le grand patient dit : — Pardonnez-leur, Père,
Car ces infortunés ne savent ce qu’ils font.

Et voici que la terre avec le ciel se fond.